jeudi 11 juillet 2013

Les solitaires anonymes


Ou en étions nous ?
Ah oui !
Nous m'avions laissé :


1/ seul
2/ en galère de thunes
3/ isolé de mes potes tout en haut de la France à droite
4/sans perspective d’avenir professionnel cohérente
5/ sans centre d’intérêt particulier
6/ sans chat 

C'était il y a quatre mois je crois. 
Au final, quand je regarde cette liste, je me dis que pas grand chose à changer. 
Le 1, 2, 4, et 6 en tout cas. 
Mais j'ai l'impression que ces quatre mois-là, c'était il y a 20 ans. 
J'ai fait un paquet de truc durant cette période, ça en est effrayant. 
Alors qu'il y a quatre mois je considérais ces différents faits comme étant une micro-fin du monde, je suis aujourd'hui enthousiasmé et grisé par l'étendue des possibles qu'offre ma nouvelle situation. 

Pourquoi ça ?
Grâce à ce petit schéma que je trouve très juste. 
(merci à Petite princesse pour me l'avoir fait connaître d'ailleurs)





Bah oui, on le sait quand on est dans sa zone de confort, rarement on va chercher plus loin.
On se laisse ronronner bienheureux, assez serein avec l'idée que rien ne va changer.
Ce qu'on a même si c'est peu, on s'en satisfait. C'est tout.

Moi je me suis fait botter le cul en dehors de ma zone de confort.
Et finalement, depuis ce moment là,
parce que je suis en danger,
parce que je cherche,
parce que j'ouvre les yeux, 
Je vis plein de trucs débiles, de trucs absurdes, de trucs chouettes.

Aujourd'hui, je vous raconte mon expérience OVS.com
Expérience qui prend place il y a de cale trois mois maintenant. 

Il existe un site qui s'appelle On va sortir.com dont je ne mettrais pas le lien parce que les articles publicitaires ça va bien cinq minutes.

Et ce site est un lieu ou les personnes désireuses de rencontrer de nouvelles personnes et de partager des passions communes peuvent proposer des sorties culturelles, sportives, ou amicales.
Ça ne m'a jamais vraiment parlé ce truc.
Vous lisez Onvasortir.com, moi je lis FaisToiDesAmisToiQuiTeSentSiSeulMonPauvreLapin.com

Mais en ces temps troublés de disette sociale...
A la guerre comme à la guerre hein ?
Paf. C'est parti.

Tiens vendredi soir, Lion doré organise une soirée jeux de société.
Pile dans mes cordes.
Très bien. Plusieurs personnes dont certaines jeunes filles s'y sont inscrit.
On va avoir du fun.
Passons les préjugés, libérons nous du carcan des on-dit et allons découvrir le monde.

Rendez vous à 19h00 pour ceux qui veulent manger ensemble et à 19h45 pour ceux qui ont déjà mangé.
Comme j'en ai marre d'être toujours le premier con à arriver avant tout le monde, je me pointe à 19h30 au domicile de Lion doré avec ma pizza sous le bras et ma bouteille de Anosteké, en espérant être accueilli par des éclats de rire et des mines réjouies.
Et bien point.

Encore une fois, je me retrouve à être le premier con à arriver avant tout le monde.
Lion doré m’accueille dans son antre.

Imaginez vous un adolescent de 22 ans, chassé du domicile familiale par une mère inquiète de l'avoir sur les bras pour le restant de sa vie.
L'adolescent de 22 ans s'est empressé de prendre le premier travail venu, le premier appartement venu, les premiers meubles venus, afin de pouvoir retrouver le coconfortable qu'il avait chez sa maman.
Et la douce sécurité de la vie parallèle de ses jeux vidéos.

Lui a-t-on jamais appris à vivre ?

Lion doré travaille dans le porte à porte.
Lion doré vit dans un appartement de 12 mètres carré. Cuisine, salle de bains et chambre compris. 
Lion doré possède une casserole,  un micro onde, une table basse, une petite étagère et un ordinateur.

Et Lion doré n'a pas 22 ans. Il en 45.
Il est en train de jouer à Starcraft quand j'arrive.
Allongé sur son lit, en short et vieux teeshirt de trois jours.
Quelques mots de bienvenue. Et il retourne sur starcraft.

J'ai comme quelques envies de partir tout de suite.
Boum Diou. Que fais-je ici ?

Bah. Les autres vont arrivés. Soyons patient, soyons curieux.
J'observe.

L'appartement de Lion doré est rempli, saturé de lions.
Des posters de lions, des peluches de lions, des figurines en porcelaine de lions, des tasses à l'effigie de lions, bordel, il a même un lion sur son teeshirt.

Moi (en souriant): "Tu aimes les lions ?"
(c'est une vanne ! Je sais qu'il aime les lions. C'est du deuxième degré hein ! Et puis ça permet de créer du lien)
Lion doré : "Oui"

Bon. Deuxième tentative.

Moi : "Tu sais, tu devrais avoir un lion chez toi."

Enfin. Une réaction. Le regard de lion doré s'allume...

Lion doré (l'air contrit) : "Non mais c'est pas possible."

Et de m'expliquer pourquoi.
Il connait tout les textes de lois par coeur.
Ça nécessite d'avoir au moins 4 hectares pour avoir un lion.
Et il faut que tes grilles ou murs face au moins 3 mètres 50 pour pas que ton lion sorte et mange les gens.
D'ailleurs en parlant de manger, il lui faut 25 kilos de viande par jour au lion.

Moi je suis pas expert mais sans connaître les textes de lois, j'aurais pu lui expliquer qu'un lion dans un 12 mètres carré, je le sens pas.
Il faudrait une sacrée litière pour commencer. 

Mais je peux pas m'empêcher d'être toucher par Lion doré
Pour je ne sais quelle raison, cet homme se retrouve à vivre une toute petite vie, dans un tout petit appartement.
Peine d'amour, mauvaise éducation, dépression...
Mais il vit grâce à un espoir un peu brétzingue.
Son amour des lions le tient tout les jours.
Je ne sais pas si je trouve ça vraiment beau ou terriblement pathétique.
L'esprit humain est formidable.

Mais le temps passe.
Et voici qu'arrive le défilé des freaks.
Ne me jeter pas la pierre ho !
Je m'inclus dedans.

Les gens arrivent au compte goutte.

Tous très différents les uns des autres.
D'âges et de classes sociales.
Mais tous empreint d'une timidité mal assumée.

Bonjour ! François.
Enchanté, moi c'est Camille.
Brrrouuuu il fait pas chaud pour la saison hein ?
Héhé. Non. Mais bon faut faire avec hein ?
Bonjour Sylvie, je suis pas en retard ? J'ai ramené des sushis !
Ah non ! Moi j'en assez comme ça des sushis !
Hahahaha. Bonjour, je suis Thomas.
Hé bin, du Cabernet d'Anjou ! Ça faisait longtemps que j'en ai pas bu.
Moi ça me rappelle mes vacances à Corfou.
Tiens mets toi là, il reste de la place à côté d'Antonin.
Personne n'a ramené de cacahuètes ?
Moi je travaille dans l'écrou. En ce moment, ça marche très fort l'écrou !
Et toi, t'es dans quoi ?
Dans le bien-être.
Ah... C'est bien. 

14 personnes et 27 lions dans un 12 mètres carré.


Oh le bordel.
  
Quelle étrange situation.
Des gens vraiment très différents que réunit la solitude.
Oh évidemment, on cache bien notre jeu.
On fait mine que rien.
On se tourne autour en ayant l'air de pas en avoir spécialement besoin ou envie.
De l'humour maladroit.
Des rires non assumés.
Un apéro dévoré pour cacher la gène.

Honnêtement, qu'est ce que je fous là ?
Qu'est ce qu'on fous là ?
Un banquier, une mère au foyer qui s'est fait plaquer, une masseuse en manque de cul, une étudiante dépressive des beaux arts (pléonasme), une infirmière, un Antonin, une chieuse moche avec une grande gueule, et 27 lions ? 

La solitude.
C'est notre point commun.
On se sent seul.
Et on vient s'offrir une amitié factice, un peu de chaleur humaine même si c'est du réchauffé au micro-onde.

Encore une fois, je ne sais pas si je trouve ça vraiment beau ou terriblement pathétique.


Quoiqu'il en soit, jamais plus je ne retenterais l'expérience.

Je dis ça mais je suis parti de chez Lion Doré à 4 heures du mat', complètement paf.
Et j'aurais pu rester encore plus longtemps, la petite étudiante dépressive des beaux arts (pléonasme) et la masseuse en manque de cul étaient encore là.
Mais malheureusement la chieuse moche avec une grande gueule avait jeté son dévolu sur moi.


Et là, même complètement paf, ça ne se tente pas.

Je vous embrasse.






7 commentaires:

  1. J'ai un collègue de boulot qui est client de ce site là. Bonne raison de fuir au plus vite...

    RépondreSupprimer
  2. Le soir comme un lion, le matin comme un con ...

    RépondreSupprimer
  3. Ton Lion doré mériterait un exemplaire de confessions intimes avec mireille dumas..

    RépondreSupprimer
  4. Sebastien/Grolim15 juillet 2013 à 07:08

    C'est bizarre, mais j'ai l'impression que c'était une des autres presences féminines qui avaient jeté leur dévolu sur toi, la conclusion de cet article n'aurait pas été aussi définitive.

    M'enfin (comme dirait gaston), j'ai eu toujours eu l'esprit mal tourné.

    Sinon, toujours autant de difficultés de parler du présent ?

    RépondreSupprimer
  5. Magnifique article!

    Je suis passé par là moi aussi à Perpignan. Meme sensation horrible.

    RépondreSupprimer
  6. Le lecteur attentif que je suis ne puis m'empecher de remarquer qu'il y a peut etre eu une evolution sur les points 3 et 5 ?

    Te serais tu decouvert un nouveau centre d'interet ?

    Sinon on s'y croirait comme d'habitude

    Cbinou

    RépondreSupprimer
  7. Bel article :)
    Même s'il y a un côté forcé ou/et artificiel dans ce genre d'activités organisées entre parfaits inconnus solitaires, je pense que ça peut vraiment être intéressant pour t'aérer et rencontrer de nouvelles personnes. Donc, à mon humble avis, à moins d'avoir une activité sociale traditionnelle régulière, je pense qu'il serait intéressant de retenter l'expérience.

    Enfin, comme cbinou, intéressé par les détails de ces points 3 et 5 qui se sont apparemment améliorés :)

    Au fait, tu as essayé de m'appeler il y a quelques semaines mais j'étais à l'étranger, j'ai essayé de te contacter par facebook (je dois pas avoir le bon) et skype depuis mais sans réponse.

    A plouche.

    DaFrog.

    RépondreSupprimer