dimanche 10 mars 2013

Une semaine à Paris Part 4



Vendredi 22 février,

Réveil tôt.
Comme d'habitude depuis lundi, les peurs et les angoisses m'assaillent à l'instant même où j'ouvre les yeux.


Pour certains, la partie du jour la plus difficile, c'est le soir.
La journée est passée, et avec elle, toutes les occupations qui nous tenaient à l'écart de nos angoisses.
Le soir, c'est le grand vide, où on est seul face à ses peurs...

Bin pas moi.
Moi c'est toute la journée, mais surtout le matin.
Parce que je ne sais pas ce qui va se passer, parce que j'ai peur d'affronter la journée et ce qu'elle réserve.
Alors que le soir, il n'y a plus rien à faire.
Toutes les choses que je doit pratiquement faire sont faites ou sont remises à demain.
Le soir, je n'ai plus à m'occuper de rien.
Et j'ai cette superbe chance d'avoir un solide sommeil.
Rien ne peut venir troubler mon repos.

Olivier se rappelle ému de ce festival de musique que nous avions fait il y a de cela quelques années.
L'orage battait sec, il pleuvait à verse et de gros éclairs zébraient le ciel.
Sans doute parce que Mano Solo avait joué ce jour là.
Olivier était dans la tente, presque effrayé par le bordel que foutait le ciel dehors.
Et la tente ne tenait plus que par quelques pauvres sardines, les deux toiles se collaient et l'étanchéité du bazar n'était plus qu'un lointain souvenir.

Et je dormais du sommeil du juste.
Même pas bourré.
Avec la toile de la tente trempée qui venait me frapper le visage.
Flap, flap, flap...

Ahahaha heureux souvenirs...
Surtout quand toutes les voitures le lendemain se sont retrouvés englués dans 50 cm de boue.
Et ça en fait un paquet de voitures de wawash et de punk à chien !
Tout les paysans du coin sont venus nous filer un coup de main avec leur tracteur.
Ils se sont bien foutu de nos gueules...

Pardon, j'aime les introductions à n'en plus finir.
Rentrer dans le vive du sujet, c'est pas mon truc.

Aujourd'hui, la journée est peu remplie.
Y a des trous dans mon agenda.

Le matin est consacré à essayer de tenir la barque dans ma tête.
Mais je sens qu'elle a de plus en plus de mal à pas chavirer.

Je fais la vaisselle, ma petite séance de sport, je me rase de près.
Plein de petites choses qui permettent de tenir, de structurer dans le chaos ambiant.

Je mets sa petite race à Olivier aux fléchettes.
Pour le panache, pour l'égo. 

Et puis je pars pour mon prochain rendez vous : ma tantine.
Avec un petit quelque chose derrière la tête.
Elle est éducateur jeune enfants voyez vous...
Ça résonne dans vos têtes ?
Ouais.
L'idée de métier auquel je me suis raccroché y a deux jours.

Tant qu'à faire, autant prendre des renseignements non ?
J'ai rendez vous devant la crèche où elle travaille.
Pas loin de la bibliothèque François Mitterrand

Je vois les enfants à travers la vitre.
J'aimerais réussir à m'imaginer là dedans, mais mon cerveau est occupé à galoper sur des terrains stériles.

Le vent rentre dans mon manteau.
Je tremble de froid.
Marre de ce putain d'hiver.
Il a trop duré.
Que notre énergie passe à autre chose qu'à lutter contre le froid. 

Évidement, tantine est en retard.
(note aux lecteurs : il est évident que l'auteur n'appelle pas sa tante tantine usuellement, c'est juste une figure de style pour se rendre plus sympathique auprès de son lectorat).
Je vais me réchauffer "Au père tranquille".
Le rade d'à côté sorti d'un roman de Simenon.

Un petit bar PMU occupé uniquement d'habitués qui suivent les courses de chevaux à la télé.
Mon entrée dans le bar est un événement.
Ils doivent pas voir beaucoup d'étrangers dans ce bar.
L'ambiance est tellement particulière que je renonce au chocolat chaud que j'avais prévu de boire et commande un p'tit rouge au comptoir.

Et je me laisse aller à mon occupation favorite.
Regarder les gens et me projeter dans leur vie. 

Ce que j'y vois ne me réjouit pas l'âme.
Les mecs sont collés à l'écran en attendant le début de la course.
Un mec a une cigarette entièrement consumée aux lèvres, il a oublié de tirer dessus.
Certains sont tout vieux, tout secs, habillés de fatigue, mais tendus vers le début de la course.
Certains font encore des paris de dernières minutes en s'échangeant des conseils sur les bourrins.

"Mise tout sur "Diamant noir des neiges", il est en grande forme en ce moment; le médecin a trempé son avoine dans du red bull."

Diamant noir des neiges



J'aime le monde des parieurs pourtant.
Mais ce que je vois me remplit de tristesse.
Je les sens pas heureux ces types.
Complètement perdus dans une passion stérile.

La course a commencé sans que je m'en rende compte.
Elle se termine sans que je m'en rende compte non plus.
Certains sont vaguement énervés.
Certains sont vaguement déçus.
Certains sont vaguement contents.

Et tous vont au comptoir pour parier sur la prochaine course.

Anxiogène cette ambiance.
J'ai tellement pas envie de devenir ces mecs là avec le vieux blouson de cuir noir qui était classe en 1961...

Ma tantine vient me chercher.
Il était temps.
Un peu plus et j'allais miser sur "Princesse Patapon".


Morceaux choisis de notre discussions :

Tantine : "Oui je suis fatiguée là  en fin de semaine"
Tantine : "C'est un boulot qui est dur parce qu'il faut s'adapter toutes les 5 minutes à un nouvel évènement. Il y a un enfant qui pleure alors il faut aller le bercer, puis deux autres se battent donc on pose le premier pour aller les séparer mais il y en a une autre qui s'est pisser dessus donc on peut pas la laisser comme ça et pendant ce temps là, le premier a recommencer à pleurer. Il faut être disponible et sur le qui vive tout le temps."
Tantine : "Tu es tout le temps en train de t'agenouiller et te mettre au sol, du coup, très vite tu as mal aux genoux et au dos"
Tantine : "Ce qui est compliqué dans ce boulot, c'est le travail en équipe, parce qu'on a chacun notre conception de la pédagogie a employer, du coup, il faut faire beaucoup de compromis, c'est très usant de pas pouvoir travailler comme on le veut."
Tantine : "On a tout le temps des stagiaires, la plupart sont des jeunes filles pas encore matures, elles nous suivent sans poser de questions, c'est assez irritant, et les enfants n'aiment pas trop quand il y a trop de monde qui passe. "
Tantine : "je suis bien content d'être en weekend."

Moi : "Mais tantine... Tu aimes ton boulot ?"
Tantine : "Ah ouais ouais, j'adore."


Comment voulez vous, chers compatriotes humains, que j'apprivoise l'idée de travailler comme étant bénéfique si vous ne définissez votre occupation que par ses points négatifs ?

Brrrr. On est incorrigible.

Tiens, un petit exercice pour vous, bandes de flemmards.
Ça vous sortira sans doute de vos habitudes de patachons.
Racontez moi votre travail/métier/occupation.
Mais racontez moi ça de manière heureuse.
Ce que vous aimez dans ce métier, ce qui vous a pousser à le faire, si vous compter en changer, ou si vous n'en avez pas, si vous compter en avoir, si oui lequel et pourquoi et sinon, pour quelles raisons.
Allez, un petit effort rédactionnel en commentaires !
Si vos écrits sont sympas et bien branlés, je les publie sur le blog.
(j'ai plus de 15 visites par jour sur ce blog, c'est pas rien)

Et moi je tarde à finir cette semaine à Paris.
C'est l'avant dernière partie mais plus je m'en éloigne plus j'en chie à raconter.
Parce que les souvenirs des émotions, des visages, et des gens se font plus diffus et que je vis 3 000 000 000 de choses à la minute en ce moment.  J'ai l'impression de plus être le même homme qu'il y a trois minutes.
Pour cette raison, vous ne connaîtrez pas ce qui a occupé ma soirée ce jour là.
Parce que je m'en rappelle tout simplement pas.

Mais au jugé, comme ça...
Je dirais : souffrances, regrets, déni, pleurs, et pétage de fion d'Olivier.
(aux fléchettes et à "Time splitters 2", qu'on soit bien d'accord)

Ce qui est intéressant c'est de raconter la suite de ma quête le lendemain.

Samedi 23 février,

Et ça se passe chez ma grand mère.
On peut dire que je vous fait rêver moi non ?

Nanni a préparé un super repas.
Accompagné d'un petit blanc à 25 euros la bouteille, je vous dis que ça.
On se l'ai collé à deux., un peu paf à la fin du repas à vrai dire.
Avec fois gras, poulet au citron et salade de fruit. 

Et on discute.
J'ai toujours vu ma grand mère comme...
Une grand mère.
Je n'ai jamais vraiment cherché à savoir ce qu'elle vivait, ce qu'elle avait vécu.
Pour moi, c'était Nanni, de Nanni et Moustache.
Mais y a plus Moustache dans l'équation depuis deux ans.
Et du coup, ça m'a ouvert la possibilité de voir Nanni comme une femme avec une histoire et pas juste une grand-mère.
Alors on parle ensemble comme deux adultes. C'est curieux.
Notamment de la difficulté de se réinventer après la fin d'une histoire de couple.
Nos histoires sont sans communes mesures, elle a 80 balais et j'en ai 30, elle a perdu son homme, je me suis fait plaqué , mais on se retrouve dans cette sensation de ne pas savoir comment s'imaginer vivre une nouvelle histoire, une autre phase de soi, se fabriquer une nouvelle vie.
Cela faisait 5 jours que c'était arrivé mais à l'heure ou j'écris ces lignes, ça fait trois semaines et le problème persiste toujours.
Comment pourrait-il en être autrement ?
Pendant 5 ans j'ai vécu avec la même personne, pris des habitudes, partagé des projets, des envies, des lieux...
Au point que cette personne devienne mon monde.
Alors forcement je vis une fin du monde.
De ce monde là.
Et pour en reconstruire un nouveau, bin, cravache mon pote.
Ça se fait pas comme ça.

Y a du taf sur la planche, et ma planche à moi est particulièrement grosse...




















9 commentaires:

  1. Pour écrire un billet heureux sur mon métier aussi bien que tu écris, il va me falloir à peu près le temps que tu reconstruises ton monde...
    mais l'idée est tentante!
    Dis-toi bien que ce que tu traverses n'est que de la variance... tu t'en jouais au poker, nul doute que tu parviennes à surmonter cette variante là!

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    1. on s'en fout d'écrire aussi bien que j'écris ! ecris plutôt aussi bien que toi tu écris !
      C'est ça qu'est bon !
      (j'avais du mal à accepter la variance sur la fin :) c'est pas le meilleur exemple.)

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  2. Je m'impatientais de ne pas lire la suite!
    Suite par ailleurs excellente ;)

    Mona.

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  3. le meilleur article pour l'instant

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    1. dès que ça devient un peu socio cucul tu kiff toi.
      Je suis sur que t'as aimé la partie sur les pmutiers

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  4. Mon boulot consiste à rendre les journées de mes élèves les plus rieuses possibles pour qu'ils ne s'ennuient pas dans le carcan scolaire qu'est notre système éducatif.
    Exemple récent, un gamin fait un exposé au tableau sur les tigres à dents de sabre. Je trifouille deux stylos dans mon tiroir, me les fous dans la bouche et me relève d'un coup en rugissant et agitant les mains façon griffes. Effet garanti.
    Le gros avantage est qu'ils ont 8 ans et sont bon public.

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    1. Je suis vachement déçu d'apprendre à la fin qu'ils ont 8 ans.
      C'était tellement plus émouvant avec des lycéens de 17 ans.

      Sinon, merci pour le partage et + 3 000 000 000 pour la carcan scolaire :)

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  5. Personnellement, l'information essentielle que je retire de ce billet est que "éducateur d'enfants = beaucoup de jeunes stagiaires" qui pour l'immense majorité doivent être de sexe féminin. Ce qui me paraît donc une reconversion tout à fait appropriée. ;)

    Plus sérieusement, continue de t'aérer et voir du monde et surtout d'utiliser ton blog comme exutoire, ça ne peut que te faire du bien. Dispo sur Lille pour boire une mousse ou 2 ou 3 un de ces 4 (si tu es revenu dans le Nord toutefois, j'en sais rien, pas encore lu la fin du blog hihi) ou alors pour un p'tit cash à Oostende. Oh wait...

    Frog

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