mercredi 9 octobre 2013

Un après-midi russe


Réveil compliqué ce matin.

La vodka-tatin, c'est bon. C'est sucré. C'est traître. Ça tape.


VODKA-TATIN : 1/3 de vodka, 2/3 de jus de pomme, le complément de sirop de caramel à votre convenance. Et de la cannelle dans le verre. 
Attention je vous ai dit, c'est bon, c'est sucré, c'est traître, ça tape. Ça tape bien. 

Surtout quand on finit la vodka-tatin en buvant directement à la soupière parce qu'on arrive pas à être bourré. Alors que si finalement, on y arrive.

Je titube dans la cuisine. La vodka-tatin n'y est pour rien.
Le sol de mon appartement est en pente.
Surtout dans la cuisine.

Tout les matins, le corps pas encore totalement réveillé, le cerveau encore endormi, il y a toujours cette sensation presque agréable de déséquilibre, de flottement, de bateau ou d'ivresse.

Le café passe dans ma cafetière italienne sans poignée.

Je me repase Abbey road sur le lecteur 33 tours.
Impossible de m'en lasser.
Je me brûle les doigts en versant le caféavec ma cafetière sans poignée.

Et je bois mon café debout. Adossé au frigo.
Un rayon de soleil vient caresser ma joue.
Les Beatles entament I want you (she's so heavy)

Il est 12h33.

Et à cet instant précis, il m'est difficile d'imaginer une meilleure vie.

C'est la que je le vois, sur la planche à pain.



Le petit mot de Diana. Ma jolie couch-surfeuse russe.
Je l'avais oublié Diana. Honte sur moi.

Hei Antonin, 
You was sleeping so well, so I didn't want to wake you up. 
I'm going to the city center. Hope you'll join me. 
Kisses. 
                                                                                             Diana

Il arrive parfois dans la vie d'un homme qu'il sache quand il doit enfiler sa veste en tweed qui lui serre bien la taille, et mettre son beau foulard bleu qui fait ressortir ses yeux si profonds. Et tout ceci très rapidement.

Il me parait évident que c'est un de ces moments.

Je ferme la porte de l'appartement, dévale les marches des escaliers escarpés, sors de l'immeuble et m'élance dans les rues de Lille.

Il est de bon ton de chier sur le temps qu'il fait dans le nord.
Et de fait, c'est complèteent justifié.
La plupart du temps, il y a un ciel bas et blanc.
Très bas et très blanc.
A rendre fou.

Un ciel à se rappeler la Bretagne en poussant des grands soupirs mélancoliques.

Mais parfois aussi, il y a le soleil du Nord.
C'est pas descriptible.
Une lumière incroyable, caressante dans l'air froid.

Il y a cette lumière là aujourd'hui, et Lille est transformée.

Je me mets à courir.
Les briques rouges défilent.
J'ai presque envie d'aboyer.

Raaa. Calme toi. Au pied. Couché.
Il serait malvenu d'arriver à Diana, rouge, luisant, et sentant la mouffette.
Les russes n'aiment pas les mouffettes, on le sait.

Elle est là, au pied de la statue place de la république, comme elle avait dit.
Elle est belle cette russe. Une beauté étrange.
J'aime les beautés étranges.

On se met en marche.
Sans parler. C'est bien.
Elle glisse son bras sous le mien.

C'est idiot à trente balais de gzzpfmgzzzzer comme ça.

Nous arrivons sur la grand'place.
Quelle belle image d'Epinal nous formons tout les deux.

La grand'place de Lille était le seul endroit que j'aimais quand je n'aimais pas Lille.
Quand il ne pleut pas trop, je peux rester deux heures assis sur les marches du théâtre à regarder tout ce qu'il y a à regarder.
Je voyage sur cette place.   
L'impression d'être ailleurs. A Bruxelles, à Moscou, dans mes fantasmes.

Avec ma russe à mon bras, je marche tout doucement.
Je fredonne "Bruxelles" de Jacques Brel dans ma tête.

On passe près du gros monsieur qui joue du violoncelle.

On passe dans les arcades de la vieille bourse, là ou on vend des Arsène Lupin, des pubs pour le bébé Kadom, ou des cartes postales de 1950.

On passe devant les galeries des peintres pédants qui dessinent des fleurs et des clowns.

On passe devant un gros chien tout fou.

On passe devant un enterrement de vie de jeune fille. Ses amies ont eu le bon goût de déguiser la future mariée en bite.

On marche dans le vieux Lille.
On se raconte des bouts de vie, des gens, ou des paysages.
Elle me donnent envie de voir la Baltique.
Et les marchés de Kaliningrad.
Trois heures se sont passées sans qu'on s'en rende compte.

Les premières gouttes tombent. 

Moi : "Je n'aime pas ce ciel, ça va tomber. On rentre ?"
(dit-il en pensant à ce bol de thé et à ce canapé ou elle viendra forcément poser sa tête sur son épaule, juste avant que Pifpaf, tu vois ce que je veux dire)

La Diana : "Non, j'ai envie de marcher, je suis bien"

Bon. Ok. Marchons.
Mais ça va tomber...

On marche. 
Et ça tombe.
De la bonne drache du Nord.
De la pluie qui transperce. 

Oh la folle course dans les rues de Wazemmes.
Elle doit courir deux fois plus vite que moi cette truffe.
Bon, je fais deux fois son poids, je porte son sac, une jolie veste en tweed et des chaussures en cuir.

Et... Je cours très mal aussi.

On se réfugie sous une encoignure de porte, serrés, l'un contre l'autre.
Elle est en teeshirt.
Et son teeshirt est complètement trempé.

Je gzzzzzpphhhhe encore.
Elle est vraiment belle et désirable cette russe.

Comme la pluie ne cesse pas mais se calme un peu, nous décidons de sortir de notre abri de fortune.
Et de revenir chez moi.
Son bras revient se glisser sous le mien.

Il pleut toujours mais la même lumière que ce midi revient percer les nuages.
Et nos bras glissent petit à petit.
Nos mains se rapprochent.
Et finalement s'attrapent.

Douze ans je vous dis.

C'est main dans la main que nous arrivons chez moi.

Il fait bon dans mon appartement après une bonne douche et des vêtements secs.
J'ai mis "Harvest" de Neil Young sur le lecteur 33 tours.
Peut être le meilleur album à écouter en 33 tours.
Du monde.
J'allume des petites bougies et éteins les grandes lumières. 
Papa sait y faire pour créer des petites ambiances.

Et je commence à éplucher langoureusement des carottes.
Pour faire un velouté.
De carotte. 

Elle vient me filer la patte pour faire à manger.
Ail et oignon.
Poivre et Ras El Hanout.

La cuisine n'est pas petite mais pas grande non plus.
Suffisamment pour que nos corps se frôlent régulièrement.
Je goûte ce moment. 



Pendant que le bordel cuit, nous restons dans la cuisine à être là.
Je sais plus ce qu'on fait.
Je me rappelle juste d'une pièce chargée d'une énergie particulière.
Pas que du désir. Y a un autre truc inidentifiable.
Et ça fait un petit bout de temps que je n'avais pas ressenti cette sensation aussi fortement.
Je la saisis par la taille et nous dansons doucement.
Sur "A man needs a maid"

Oh le bonheur de ce petit instant.
Oh l'intensité.
Oh les vibrations dans l'air...

Mais la chanson se termine.
Mon colocataire rentre.
Et les carottes sont cuites...





24 commentaires:

  1. aaaaaaaaah


    nous deux il faut qu on parle

    RépondreSupprimer
  2. tu veux que je te fasse du velouté de carotte ?

    RépondreSupprimer
  3. Ty Chunia bljat!
    Szto Ti Robotujesz???

    RépondreSupprimer
  4. Salut Kaviar, ca fait un bail!
    Il faut vraiment que tu reecrives cette fin elle est nulle ! :-)
    cbinou

    RépondreSupprimer
  5. En un mot transporté (avec des arrêt/redémarrages de pouffe de rire comme le déguisement de l'enterrement de vie de jeune fille)
    GL grand

    RépondreSupprimer
  6. "Mais la chanson se termine.
    Mon colocataire rentre.
    Et les carottes sont cuites..."

    19.75/20 pour cette magnifique chute car la perfection n'existe pas.
    Mais on s'en rapproche sensiblement...

    Monacall (de retour aux commentaires mais qui n'a jamais cessé de lire)

    RépondreSupprimer
  7. Le concept de Tatin dans votre vodka Tatin est il du au fait que plus tu bois plus tu renverse ? Je demande.

    RépondreSupprimer
  8. Pourtant, t'en avait des vannes à faire...

    RépondreSupprimer
  9. Merci à tous d'être encore présent malgré mon manque d'assiduité ! Des bises !

    RépondreSupprimer
  10. La chance ! Moi je n'ai eu droit qu'à un velouté de courgette.

    RépondreSupprimer
  11. MAGNIFIQUE !!!!!
    Non mais sans blague quel talent. Pas question de se reposer sur tes lauriers pour autant, c'est du boulot le génie, ça se travaille mon bon monsieur.
    ANTONIN, quand est ce que tu écris un livre (qui s'appellerait en sous titre : Les aventures d'Antonin) ?
    Zoé

    RépondreSupprimer
  12. Aujourd'hui j'ai lu du ATRC et du Kaviar!
    Enfin une belle journée!

    RépondreSupprimer
  13. Je te dirais bien un mot qui commence par Loo et qui finit par Ser mais je ne le ferai pas :)

    Beau récit par contre :)

    La grenouilla

    RépondreSupprimer
  14. joli texte jeune homme, beau récit pour un long à venir je te l'espère

    RépondreSupprimer
  15. Mais pourquoi gâché ce blog avec un lien vers les moutons enragés ? Pourquouaaaaaaa ?!

    RépondreSupprimer
  16. Pourquoi laisser se discréditer un commentateur anonyme en ne corrigeant pas son horrible faute d'infinitif vs part.passé, pourquouaaaaaa ?

    RépondreSupprimer
  17. surtout que pourquouaaaaa, ça s'écrit pas comme ça.

    RépondreSupprimer
  18. Il y a assez d occurrences de pourquouaaa dans le googlescherelle pour valider cette orthographe.... Le Littré n'a qu'à bien se tenir...

    RépondreSupprimer
  19. pourquooooooaaaaaa pas !?

    RépondreSupprimer
  20. Sébastien/Grolim13 janvier 2014 à 07:40

    Mais Antonin a-t-il passé l'an 2014 ?

    RépondreSupprimer
  21. ouais chuis là ! Et en plus j'ai la patate.
    Mais j'écris pas beaucoup comme vous avez pu le remarquer !

    RépondreSupprimer