samedi 17 août 2013

Impasse casse-couille



Il fait très chaud.
Ma chemisette blanche me colle au torse.


Je suis venu rendre une visite à mon ancienne compagnie. 
Je fus comédien pro, saviez vous ?

J'en suis sorti il y a quatre ans avec une dépression, de la culpabilité, et une mésestime de soi bien fraîche.
On va pas développer parce qu'il fait trop chaud mais la personnalité du taulier en est pour une part non négligeable.

Que reviens-je faire ici me demanderez vous  ?
Et bin... Pffff... T'façons je fais ce que je veux, vous répondrais-je !

Je bouine un peu dans les locaux, claquant la bise aux anciens poteaux, rejouant avec des décors, des accessoires ou des costumes. Et puis...

Moi : "Crois-tu que je puisse jouer un peu de cette guitare ?"

Faut dire qu'en ce moment, je travaille une rythmique au poil sur "Jimmy" de Moriarty qui accompagne parfaitement ma belle voix grave et veloutée.

(une autre) Elsa : "Non, ça c'est la guitare du taulier, il ne veut pas qu'on joue avec, tu ne devrais pas la prendre."

Bougonnement et frustration. 

Un peu plus tard, après avoir discuter un peu avec le taulier et juste avant qu'il ne s'en aille...

Moi : "Ça ne te dérange pas, bien sur, que je gratouille ta guitare ?"

Le taulier : "Bien sur que non ! Je t'en prie !"

Non-bougonnement et non-frustration.

A peine le taulier parti, je m'installe sur un banc, sous un cagnard du diable, et je m'apprête à frapper mon LA mineur, en pensant avec appréhension au moment du morceau ou je vais devoir jouer ce maudit FA.
Saurais-je un jour faire un barré ?

Ça ne  sera pas aujourd'hui en tout cas.
A peine ai-je entamé le DO que SCHBLOOIIIING, les cordes de SOL et de SI se cassent.
Le SOL vient même frapper mon arcade sourcilière.
Alors que d'habitude, c'est l'inverse.


BLAST IT !


Fabuleux !
Bravo les cons !
Que mille diables dévorent ma malchance en brochette.

Déjà, je vais pas pouvoir travailler ma pulse, mais en plus ressurgissent immédiatement en moi de vilaines émotions oubliées, propres à ce lieu.
Culpabilité, peur, et un subtil sentiment de nullité.
Et puis, il fait tellement chaud.

C'est vrai hein !
L'asphalte colle à mes chaussures pendant que je marche vers le centre ville.
Je suis parti en quête d'un nouveau jeu de cordes pour la guitare.
Bien sur, ça n'est pas ma faute quand deux cordes pètent à peine on met le doigt dessus.
Mais va-t-en expliquer ça à son propriétaire...
Ça me saoule à un point d'aller dépenser 10 euros pour ça alors que j'ai pas une thune !
Et que j'ai des filles à draguer en ville cet après midi !
Et des râteaux à me prendre !
(et je m'en prends de ces râteaux...)

Une saloperie de putain d'heure sous le soleil qui tape ça m'a pris.

 Et me voilà de nouveau dans les locaux, à faire ce que la même chose que le monsieur.
Voir le schéma panda : 


Schéma Panda

Sauf que moi j'ai pas le bidule rouge pour sortir les pitons afin de décoincer les cordes.
J'ai qu'une pauvre pince de merde et un couteau pour couper les poireaux.
Des poireaux cuits.

Et comme cette journée et ce lieu sont maudits, un piton se casse en deux à l'intérieur du bazar.
Il ne me reste que la boule que l'on voit dépasser sur le schéma et un bout du piton. Le reste demeure à l'intérieur avec mes espoirs de pouvoir sortir un jour la corde concernée.
Enfin les cordes concernées puisque un deuxième piton me reste dans les doigts dans l'opération.


La moutarde qui me monte au nez est un savant mélange de colère, d'énervement, de fatigue, et de désespoir.

J'essaie de bien respirer, de retrouver un calme intérieur, de ne pas me laisser dépasser par ces petites merdes, insignifiantes au demeurant.

Et j'enlève les cordes une à une quand soudain...

Voir le schéma girafe.

Schéma Girafe

...la barrette blanche, que vous pouvez apercevoir en haut du manche et qui tient les cordes alignées, se détache du manche et tombe par terre.









Grmpf...
Je...
J'ai envie de....
Gniiiiiiii...
De....


 


J'en ai tellement envie.
Prendre cette guitare de merde par son manche de merde, l'exploser contre la vitre du local aux costumes de merde, et partir en disant : "Bandes de cons".

Mais bien sur,  mon éducation prend immédiatement le pas sur mes fantasmes et pulsions.

Alors, ruisselant de sueur, stressé, culpabilisé, plein de haine, avec cette sourde sensation d'enfermement dans un lieu et une situation que je ne supporte pas, je fais mon bon soldat et je pars enquête de colle glu.

Etonnant comment j'ai réussi à me remettre dans une situation en tout point identique à ce que j'ai pu vivre il y a quatre ans.

Ce lieu n'a pas changé.
La colle que je trouve est vieille d'il y a 10 ans, impossible à sortir du tube.

Je pars au supermarché à pied sous le cagnard pour hercher un nouveau tube.
J'ai déjà bien trop dépensé en argent, en énervement et en temps pour une saloperie de guitare.

Finalement je trouve ce que je cherche.

Je recolle les morceaux.
Plus ou moins.

Je hais ce lieu. Je hais cette compagnie. Je hais les gens qui y bossent.
Je me hais de me laisser à ce genre de sentiments désagréables. De ne pas être assez fort pour flotter au dessus.
Ah le beau retour.
Qu'est ce qui m'a pris de revenir.


Un peu plus tard :

Moi : "Tiens, j'ai cassé des cordes de la guitare, je les ai remplacé, et j'ai recollé des morceaux qui partaient en couille."

Le taulier : "Ah. T'aurais pas du te faire chier. C'est de la merde cette guitare..."

Moi : "..."


Bon. Je vais retourner draguer des meufs et me prendre des râteaux moi.

















7 commentaires:

  1. Je me surprend a rire sottement devant mon ecran devant ce qui est pourtant une belle journée de merde !
    cbinou

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    1. Boarf, une journée passée depuis longtemps.
      Maintenant je passe super bien mes barrés.

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    2. Tu veux pas venir essayer mon piano?!

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    3. Ahahah ! Je me laisserais pas avoir deux fois !

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  2. BOULET !

    Une grenouille ayant préféré garder l'anonymat

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